Si la recharge continue de gagner du terrain en cosmétique, davantage d’innovation est nécessaire en matière de design et de matériaux pour en faire une alternative vraiment viable, estime Jo Barnard, fondatrice et directrice créative de l’agence de design britannique Morrama.
L’année dernière, en collaboration avec le fabricant chinois PPK, Morrama a dévoilé une gamme d’emballages pour produits de beauté avec recharges en papier. La ligne « Maya » comprend des palettes, des rouges à lèvres, des pompes et des pots personnalisables dans divers matériaux, associés à des solutions de recharges fabriquées à partir de pulpe moulée. Cette année, les deux entreprises ont présenté des solutions en aluminium, dont le premier rouge à lèvres en aluminium doté d’une recharge en papier, dévoilé à MakeUp in Paris en mai, et lauréat d’un prix Innovation & Trend (IT) lors du salon.
Jo Barnard, fondatrice et directrice créative de Morrama, explique que l’idée soutenant la ligne « Maya » est de simplifier la relation entre le contenant extérieur, et la recharge tout en fournissant des « bases » sur lesquelles une marque puisse assoir son image.
« Il y a évidemment une progression des emballages rechargeables dans divers domaines, notamment dans le secteur de la beauté avec des rouges à lèvres rechargeables et d’autres solutions du même type », indique Jo Barnard à Premium Beauty News. Mais, selon elle, la plupart des recharges sont « presque aussi dysfonctionnelles » que les emballages à usage unique, en raison des matériaux utilisés, de questions de recyclabilité et de leur utilisation par les consommateurs.
Elle estime que de véritables innovations, donnant à la recharge la place qu’elle mérite, font défaut. « En termes de prix, tout est assez complexe en ce moment en raison du coût de la vie dans de nombreux pays du Nord, qui constitue sans aucun doute un obstacle à l’innovation pour les marques. Pour l’instant, elles se contentent de se répéter, elles n’innovent pas ».
« Avec la gamme Maya », affirme-t-elle, « l’idée était de réduire la recharge à son minimum, avec tout ce qu’il faut pour accueillir la formule et rien d’autre ». Les designs des recharges sont « différentiants » et « réfléchis », tout en suivant une approche less is more.
« Nous nous concentrons actuellement sur les recharges papier elles-mêmes »
La gamme Maya propose des recharges 100% pulpe pour rouges à lèvres et palettes, tandis que pour des raisons de stabilité les recharges des pompes et des pots sont recouvertes d’un film en PP/PET représentant 5% de leur masse. Bien que ce film soit suffisamment fin pour être recyclé dans le flux de déchets de papier au Royaume-Uni, Morrama et PPK travaillent au développement d’une alternative entièrement végétale.
« Nous nous concentrons actuellement sur les recharges papier elles-mêmes », poursuit Jo Barnard. « … Notre rêve est de passer au zéro plastique ».
Dans la foulée du succès de leur premier concept de rouge à lèvres, les deux sociétés développent également des nouveaux modèles de sticks pour cosmétiques solides et maquillage.
Interrogée sur les raisons pour lesquelles Morrama et PPK ont choisi le papier comme matériau pour leurs recharges, Jo Barnard indique que « cela est en partie lié à la perception des consommateurs ». Selon elle, les alternatives biosourcées au plastique conservent l’aspect et la sensorialité du plastique, ce qui n’est pas toujours bien accueilli par les consommateurs. Par ailleurs, que les consommateurs ne savent généralement pas comment gérer les matériaux biosourcés en fin de vie.
La décision d’utiliser du papier tient donc compte de ces problèmes, mais aussi de la disponibilité des matériaux. La pulpe de bambou utilisée pour les recharges est une ressource « à croissance rapide » qui se décompose rapidement une fois compostée, mais qui peut également être recyclée dans les flux de déchets de papier.
La fabrication du papier a également une longue « histoire », ce qui est un point fort, selon la cheffe d’entreprise. Et même si la fabrication du papier a longtemps été considérée comme une activité à forte intensité énergétique, la création de la ligne Maya a pris ce sujet à bras-le-corps, via des mesures telles que la production dans une usine fonctionnant majoritairement à l’énergie verte et une conception simple et utilisant très peu de papier.
Quel avenir pour les recharges papier ?
Interrogée sur l’intérêt du secteur de la beauté pour les recharges en papier, Jo Barnard souligne qu’avec « les réglementations imposées aux marques par l’UE, pour qu’elles s’éloignent du plastique, il y a certainement beaucoup d’intérêt » pour ces solutions.
Des marques ont déjà adopté les recharges de la gamme Maya, notamment Wild, le spécialiste britannique des produits de beauté réutilisables, ainsi qu’une marque australienne.
Mais pour Jo Barnard le concept est loin d’être massivement adopté dans le secteur. « Nous avons lancé cette gamme en sachant que la plupart des grandes marques n’en sont pas encore là. C’est faire un grand pas que de proposer un produit rechargeable ».
Elle estime que pour la plupart des marques de beauté, les emballages à usage unique permettent de vendre plus facilement et simplifient le renouvellement de la marque. Les emballages excessifs sont depuis longtemps la norme dans le secteur de la beauté, mais cela doit changer, souligne-t-elle.
« Nous ne pronons pas nécessairement le réductionnisme ou la décroissance, mais l’expérience, la narration et la transparence comme moyen de remplacer l’excès », poursuit-elle.
Pour Jo Barnard, les recharges ont davantage d’avenir en beauté haut de gamme, où les rotations de produits sont plus lentes et les prix plus élevés, que dans les segments masstige ou mass. « Mais pour les consommateurs, la volonté d’utiliser des recharges transcende tous les aspects de la beauté ».
Son espoir est que la gamme Maya « ouvre les yeux des gens sur la possibilité concrète de la recharge ».
Source : https://www.premiumbeautynews.com/